lundi 23 avril 2012

Legend of Grimrock: le retour du level design


    On le croyait victime collatérale des guerres contre quelques traîne-savates enturbannés virtuels dans leur montagnes de poussière, relégué au rang de faire valoir graphique par les millions de Call of duty of honor vendus. Et le revoilà, flamboyant, remontant du fond du cours , surpuissant dans toute sa gloire: le level design n'est pas mort!

C'est grâce à Legend of Grimrock, jouissive évolution du Dungeon Master de 1987, que l'on se rappelle qu'un niveau c'est plus que du décor. Grimrock peut paraitre comme une facile adaptation 25 ans plus tard, mais il n'en n'est rien. Le jeu reprend les principe de base et surtout, étonnamment, reprend certaines contraintes, qui à l'époque étaient imposées par la technique et qui aujourd'hui se balaieraient d'un revers de 3D. Pourquoi de tels choix? pourquoi conserver un déplacement case par case dans un dungeon crawler? Parce que c'est précisément là que se situe la clé du plaisir de Grimrock.

le joueur contrôle en caméra première personne un groupe de 4 avatars. Ils occupent à un instant donné une case, et les déplacer consiste à se transférer sur la case d'à côté. Pire: on ne peut pivoter que de 90°. On se déplace ainsi sur les cases d'une grille.

Le jeu se compose d'éléments construits sur le paradigme des cases: un ennemi tient une case, je ne peux pas le traverser. Pareil pour un mur. Un ennemi avance case par case. Des grilles / portes s'actionnent avec des boutons et des leviers, eux même sur des murs. Des trappes s'ouvrent dans certains blocs, d'autres blocs ont une dalle interrupteur. Des téléporteurs occupent aussi une case et renvoient sur une autre case... 
Le joueur aussi, via ses personnages, agit sur une case adjacente. on donne des coups, on envoie des projectiles, on lance des sorts qui agissent sur le contenus d'une case. 
Une liste de règles unitaires très simples, mais qui toutes se combinent: une dalle-bouton actionne une trappe, on lance un projectile dans un téléporteur...

Tout dans ce jeu est le résultat de la conception des niveaux. Et là c'est un travail d'orfèvre. Les niveaux sont même souvent mieux conçus que ceux du vétéran Dungeon Master: moins de labyrinthes, moins de grands couloirs vides. Il règne dans Grimrock une impression de densité.
La difficulté est très bien équilibrée, et quand parfois elle semble s'emballer, le bon réflexe consiste à utiliser la topographie à son avantage. Combattre un grand nombre d'ennemis dans un espace ouvert est dangereux, mais reculez pour les attirer dans un couloir et ils perdent l'avantage du nombre. Reculez encore jusqu'à passer une porte, et vous pourrez la fermer après chaque ennemi battu et aurez le temps de panser vos blessures. Ce n'est qu'une des tactiques. Tout se combine. On peut aussi bien se débarrasser d'un ennemi en utilisant une trappe... Les niveaux sont fabriqués pour ça. Le décor est aussi bien un levier d'exploration, un support de puzzles, qu'une façon de maximiser son efficacité au combat. Sans parler de la recherche de passages secrets. Level Design Power!

La contrainte des cases crée une appréhension simplifiée de l'environnement. On mémorise donc facilement les derniers lieux parcourus et on peut s'en servir même en cas d'urgence. En pleine filoche avec un soldat squelette on peut sans hésitation se tracer une route entre les murs précédemment parcourus, à reculons.

Le plaisir de ce jeu provient d'un faible stress, et d'une sensation de contrôle qui doivent tout au système des cases. Dungeon Master était un des premiers vrais RPG en jeu vidéo, Legend of Grimrock n'y ajoute quasiment pas de complexité. Il pousse même à l'adoption d'un groupe d'avatars déjà équilibrés, et par l'ajout d'une carte élimine le pénible aspect labyrinthe de son ancêtre. Le joueur n'a pas à planifier sur le long terme. Même l'évolution des personnages peut se conduire par la réaction à des besoins moyen terme: telle nouvelle arme nécessite telle caractéristique, on la développe.

Etre sur une case a cette vertu merveilleuse pour un jeu vidéo: à chaque instant le joueur a un nombre limité et connu de choix et peut en appréhender les conséquences: pivoter d'un quart de tour, se déplacer d'une case (4 possibilités), frapper devant, actionner un mécanisme. C'est l'enchainement de ces choix qui fait avancer le jeu à un rythme imposé par le joueur lui même. Que du bonheur!

Alors oui, c'est la même recette qui a fait le succès de l'original. D'ailleurs ce jeu aurait très bien pu sortir en 1987, il aurait gardé l'essentiel de ses qualités, car elles résident à 90% dans le level design, véritable valeur ajouté de ce type de jeu. Almost Humans montre qu'au delà de la nostalgie - Grimrock s'apprécie autant si on ignore tout de Dungeon Master- , au delà du temps, le plaisir de jeu peut reposer sur son environnement, et le talent avec lequel il est agencé.


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